Contrairement au numéro précédent où je m'étais empressé de poster un commentaire, j'ai pris tout le temps de lire celui-ci, en écrivant mes opinions au fur et à mesure de la lecture, étalée sur trois mois après étude du sommaire et des « gros titres » dès l'achat. Je ne vis pas que pour lire LaRevueDurable et il s'est passé bien des choses depuis sa parution.
Dernières nouvelles « du front », comme le numéro est parti à l'impression avant la fin du sommet de Copenhague, les rédacteurs affichaient un certain optimisme.
Le WorldWideViews qu'ils avaient détaillé dans le précédent numéro reçoit alors, comme le GIEC et tous les petits (petits opposés aux états puissants), une grande claque !
« EAU REVOIR », mauvaise conclusion !
Ce n'est pas parce que 320 magasins biocoop arrêtent de proposer des bouteilles d'eau en plastique que l'équivalent de ce qu'ils vendaient (1,6 millions de bouteilles) ne sera ni produit ni consommé.
BIEN, l'info du nouveau site Alerte-pollution.
AAhh, un philosophe; quel réconfort; Olivier ABEL: « Les choses sont données et il y a des gens qui ont de la chance. » « Le bonheur, c'est de partager le bonheur. ». Comme Bertrand MEHEUST, il pressent le risque d'un retour du fascisme faisant suite au totalitarisme actuel: « Nous sommes entrés dans un système totalitaire. Autrefois, on enfermait les indésirables dans des camps. Maintenant, on les empêche de rejoindre le monde riche. ».
Juste après, le dossier principal « Vivre heureux dans les limites écologiques ».
Bravo à LaRevueDurable pour oser mettre les pieds dans la merde et « descendre en flèche » le PIB.
Ils lui trouvent cinq grands défauts:
- « il ignore toute la richesse non monétaire »
- « il ne dit rien de la distribution de l'activité et des revenus »
- « il ne distingue pas les dépenses qui servent à réparer un dommage de celles qui améliorent la vie des populations d'un pays »
- « il occulte tout simplement la destruction du capital naturel »
- « il ne dit rien sur le bien-être des populations »
Moi je rajouterais qu'il transforme toutes nos actions en équivalent planche à billets !
D'autres indicateurs font mieux, c'est facile. L'article les cite et les commente et pour la question écologique, il existe l'empreinte écologique (globalfootprintnetwork), mais aussi « L'indice de la planète (mal)heureuse » (happyplanetindex).
Je ne crois pas à la « Prospérité sans croissance » (page 19), notre société économique est trop gangrénée. Le jour où je lisais ces pages et rédigeais mon commentaire, je trouvais dans la presse gratuite deux informations de prolifération de la gangrène: 20minutes mardi 2/2/2010 encart saisie record de cannabis, et fusillade meurtrière au Mexique dans le plus pur style des cartels de la drogue.
Pour sauver un corps humain, les chirurgiens amputent le membre gangréné. Je ne vois nulle part sur terre un « chirurgien » du bonheur aussi efficace. Corollaire, les multiples gangrènes gagnent tous les jours un peu plus de terrain. L'auteur de l'article, Tim Jackson, tente bien de rester positif et optimiste, mais la réalité lui impose d'écrire « La vérité est que, dans un monde de 9 milliards d'habitants, il n'y a pour l'heure pas de scénario crédible de croissance continue qui soit à la fois juste sur le plan social et durable sur le plan écologique » (page 22). Il joue ensuite au yoyo optimiste/pessimiste avec Keynes et un « New deal vert », puis avec le consumérisme et la réalité de la macroéconomie à très long terme.
Page 25, publicité anti DD: « ...tous les messages sur la consommation des ménages... », il est bien perçu l'obligation de changement de gouvernance sans qu'il soit écrit ce que je préconise: arrêter le partage unilatéral des riches (partage est ironique, il faut comprendre spoliation).
Livre prospérité sans croissance en français à paraître dès avril.
Page 28, belle image de l'opulence qui rend malade (physiquement par l'obésité). Le PIB est nul car il ne mesure ni les services gratuits ni la pollution: « Le point peut-être le plus grave est le fait que le PIB ne rend pas compte correctement des changements dans les caractéristiques de base des ressources et des écosystèmes qui affectent les possibilités de consommations futures.».
Tableau page 30 « bonheur et revenu annuel par habitant ». Il est facile d'en déduire que le monde entier se fait la guerre et que les riches gagnent cette guerre. Les plus riches empêchent les plus pauvres d'augmenter leur PIB et donc leur niveau de satisfaction dans leur vie, et donc leur envie de vivre. Cet article sur les prospérités décrit bien le problème: « Cela est la plus importante leçon que la durabilité apporte à toute tentative de conceptualiser la prospérité. Dans un monde limité, certains types de libertés sont soit impossibles, soit immorales.». Mais il oublie tout simplement sur son utopique dessein : CHANGER LE COURS DES CHOSES.
Le mythe du découplage : sans entrer dans les détails de l'article (découplage absolu/relatif), le seul fait de savoir que les économies et les biens sont mondialisés explique le non sens de cette idée de solution. Je me souviens d'un exemple de l'incohérence économique: les crevettes roses pêchées en Norvège prenaient l'avion pour se faire décortiquer en Asie (main d'œuvre moins chère) et revenaient en Norvège pour leur mise en boite sous label européen ! Comment avec tous les cas similaires existant dans l'économie, arriver à chiffrer un coût environnemental à la croissance ? L'auteur donne les chiffres, mais il est clair qu'ils ne sont pas réels: « Et cette différence suffit à saper les progrès des pays vers les cibles du protocole de Kyoto. Une réduction de -6% de 1990 à 2004 telle que rapportée selon les règles de la convention saute à +11% une fois les émissions incluses dans les biens de consommation prises en compte. ».
Une macroéconomie pour la durabilité ? Ces 3 pages de concepts et d'études m'ont énervé par leurs évidences de bon sens qui ne savent pas intégrer les désirs humains les plus forts (je veux devenir le plus fort, le plus riche, le plus beau, pour m'accoupler avec le plus de plaisir possible). Sauf tout à la fin, avec le constat: « Il est quasi obligatoire d'abandonner la quête stupide du profit et de la productivité du travail pour penser de façon systématique les conditions d'un fort taux d'emploi dans les secteurs sobres en carbone. ».
Et c'est après cet article que LaRevueDurable passe à l'étude du bonheur durable. La photo me dérange (de jeunes adultes bondissants sur une place publique en centre ville, comme s'ils étaient des lapins fous de joie dans un pré carré rempli de carottes). Mais si la légende ne l'explicite pas du tout, elle m'apporte une grande satisfaction. « La consommation de la télévision est comparable à d'autres mauvaises habitudes telles que la cigarette et l'alcool. ». Tout bon pour moi ça; je ne fume pas, ne bois pas une goutte d'alcool et regarde moins d'1H/j de télé, surtout avec l'arrivée des beaux jours. « Et si on remplaçait la notion de développement durable par celle de libertés et de bonheur durable ? », belle fin d'article et de transition plus que logique pour le dossier suivant (liens en fin d'article: indicateurs nationaux de durabilité, référentiel national pour l'évaluation des projets territoriaux de développement durable.
LaRevueDurable interviewe Nic Marks, fondateur et directeur du centre pour le bien-être, qui a conçu et développé le HPI (Happy Planet Index).
Ce grand dossier principal se conclue pages 50 et 51 par des conseils de bonheur durable:
1 connectez-vous; 2 soyez actifs; 3 soyez en éveil; 4 continuez à apprendre; 5 donnez.
J'en rajoute un 6°: Respectez la santé de votre corps et ne lui infligez plus les nuisances alcool et tabac, réducteurs de vie.
Dans le guide de lecture, un livre m'interpelle: « Eclaircissements sur l'empreinte écologique » et sa mesure de la biocapacité, capacité régénérative de la terre. Même si le commentaire du livre conclue de bonnes choses « La demande est donc déjà supérieure à l'offre le développement humain actuel n'est pas durable. », mon pessimisme me fait sourire. Lavoisier a écrit: « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. ». La Terre est constituée de matière, et les humains en font partie, et elle reçoit l'énergie du soleil. À l'échelle de la terre, sa capacité de transformation reste identique. Si elle crée plus d'humains à un instant t de son histoire, elle crée moins d'autre chose. Et si elle se focalise trop sur un de ses composants, elle sait inverser la tendance. Volcans en Islande et derniers tremblements de terre sont les signaux de la préparation de cette inversion (futur chamboulement des plaques tectoniques, 12 à 15 sur l'échelle de Richter). Pour moi, le déséquilibre est irrattrapable. Qui ? Pour me démontrer qu'en 20 ans, le rapport (poids ou nombre) biafrés africains/obèses américains remonterait vers la valeur 1 plutôt que de continuer à s'approcher du 0 alors que le nombre de mal nourris africains continue sa croissance.
La structuration globale de ce numéro de LaRevueDurable est idéale. Après cette approche du bonheur, quelques pages du courrier des lecteurs et retours sur la journée 350, on trouve la quatrième partie du dossier de Robert Hinde pour en finir avec la guerre. Sauf que là, il inscrit le désir de lutte de pouvoir et de conflit jusque dans nos gênes et remontant aux plus lointains ancêtres de l'homme. Et il constate l'énorme composante commerciale de la fabrication des armes de guerre. L'homme est voué à se faire la guerre (guerre de clan, guerre de voisinage, guerre économique...) et commence déjà la guerre climatique. Il n'a pas de solution, nos sociétés fonctionnent par la compétition (sportive, culturelle, économique, idéologique, territoriale...). Le pouvoir suprême est synonyme de conflit (conseil de sécurité de l'ONU).
OUF, il était temps que je finisse ma lecture détaillée/commentée. Le prochain numéro est annoncé.
Bruno