Le N° 53 de L'Écologiste d'octobre-décembre 2018 veut des coquelicots ! J'ai acheté ce magazine incité par LaDecroissance et leur article sur 2 prix nobels d'économie décrétés « pyromanes ».
Là où je trouve L'Écologiste pharamineux, c'est de demander des coquelicots dans son éditorial alors que de nombreux articles dans le magazine sont de vraies bombes climatiques.
Ils nous apprennent de quoi devenir effondrés (collapsologues!). Comment rester optimistes et émerveillés avec la « victoire historique sur les OGM » ? D'accord, il y a une victoire, mais pour l'instant seulement théorique. « Que reste t-il à faire ? Nous attendons la décision du conseil d'état qui doit condamner le gouvernement français à modifier l'article 531-2 du code de l'environnement qui dit que la mutagenèse ne produit pas des OGM. C'est la première victoire confirmée par la CJUE. ». D'après-moi, c'est loin d'être concrètement gagné, et à la lecture des documents, quelle tristesse de constater dans le détail une lutte de presque 30 ans.
Optimiste ? encore avec « Climat : des chercheurs quittent les états-unis » et « ALENA 2.0 …. Réglementation. De nombreux passages de l'accord détaillent la manière dont les lois sur la sécurité, l'environnement, la labellisation et autres doivent être appliqués de manière ''coopérative''...en permettant aux multinationales de court-circuiter les processus parlementaires et d'appliquer directement leurs propres règles. » !!!
Et concernant la jeunesse « Smartphones et réseaux sociaux provoquent un séisme mental d'une magnitude inconnue » !! Je commence à comprendre le pourquoi des coquelicots. Cela semble bien plus atteignable que la survie de l'humanité face à la liste de ces problèmes. Il faut du courage pour continuer la lecture. « Choisir des aliments non transformés » « l'aliment industriel ultra transformé cause des maladies chroniques et des déficiences »… « détruire l'harmonie au sein de l'aliment détruit aussi celle du corps humain » => on va donc tous mourir !
Aie mon air pur, avec « l'aberrant projet de l'incinérateur d'Ivry ». À ce stade de la lecture, on atteint le dossier central « Pesticides : pourquoi et comment les remplacer » qui va finir de nous achever. C'est bien beau toutes ces solutions qui sont présentées comme inéluctables si on veut sauver l'humanité, mais il y a en arguments tout le passif sidérant de notre société libérale. Et comment imaginer un changement salvateur sans une révolution pire que celle de 1789 ? « pesticides, mensonges d'états et de multinationales », « les pesticides ne sont testés ni à long terme, ni tels qu'ils sont vendus », « la France est le premier pays à interdire totalement les néonicotinoïdes depuis le 1/9/2018 ». « Le futur intrinsèquement mêlé de la biodiversité et de l'humanité se joue ici et maintenant ». Avec réalisme, là je suis totalement effondré (la France, seule, et il y a à peine 3 mois).
Aie, aie, la suite des révélations fait encore plus mal, c'est vous dire ! « Chlordécone, un scandale aux Antilles et en Europe ». Mais comment les multinationales fabricantes de ces pesticides ont pu nommer un de ces produits chlorDÉCONE ?? sinon par pur cynisme ! « 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais seraient contaminés par le chlordécone...fréquence du cancer de la prostate : Guadeloupe et Martinique au 1er rang mondial ». « La limite de commercialisation dans l'UE étant jusqu'alors fixée à 10 µg/kg de matière fraîche, les lobbies antillais de la banane obtiendront de l'UE via le gouvernement français une dérogation pour les LMR relatives aux fruits et légumes tropicaux : 20 µg au lieu de 10. Désormais, les bananes contaminées étaient exportables et accessibles à tous les consommateurs antillais et européens ! » !!
Hooo, page 32, dans l'article « Comment comparer agriculture conventionnelle et agriculture bio ? », il y a dans la marge un chiffre clés du CGDD « Datalab Environnement & Agriculture. Les chiffres clés, éditions 2018 ». Je contribue à la composition d'un carnet similaire sur les transports.
Et puis il y a une collection incroyable de livres commentés, tous plus attirants les uns que les autres (Sommes-nous trop ''bêtes'' ; Ce qui compte vraiment ; L'art d'être libre dans un monde absurde ; La tragédie de la croissance ; La guerre des métaux rares ; L'art d'être oisif ; Nous voulons des coquelicots ; etc). Enfin, un article sur l'Europe et la Politique Agricole Commune, par Inès Trépant (je ne pouvais pas citer tous les auteurs d'articles, mais elle m'a vraiment plu). Les technocrates de Bruxelles voudraient industrialiser le BIO ! Et augmenter les rentabilités pour les multinationales agroalimentaires. « Comment s'étonner que le ''verdissement'' de la PAC fasse grincer les dents des agriculteurs, dans un contexte où les règles du commerce international, édictées par l'OMC, récompensent de facto les vices et pénalisent les comportements vertueux, les produits ne pouvant être discriminés en fonction des ''méthodes de production'' ? ».
S'ensuit l'article sur le GIEC et les 2 Nobels : « Cela s'inscrit dans la tradition du GIEC que d'ignorer les pires scénarios possibles. Cette attitude est comparable avec le lancer de couteau : les amateurs du genre préfèrent ignorer le risque de blesser leur partenaire de jeu parce qu'une telle probabilité est estimée à une chance sur dix. » « Nordhaus minimise en permanence les risques du changement climatique... » « pour Romer, sa promotion de la rente monopolistique et du pouvoir des multinationales soutient le régime néolibéral... ».
OUF, enfin un peu de positif avec l'article « Ce sont les plantes qui sauvent les hommes ».
Et de la suite dans les idées avec encore plusieurs pages de descriptions de livres salvateurs et lanceurs d'alertes (Devant la beauté de la nature ; Célébrations de la beauté ; Qu'est-ce qu'on attend ?; etc.) mais aussi un réalisme très pessimiste (On a frôlé la guerre atomique, 7 fois depuis 1956, et on n'est toujours pas à l'abri).
Et un final de ''Sauvage'' avec le jeu des questions style système automatique de sélection de services par standard téléphonique « taper1, taper2, taper3, etc », avec une vingtaine d'idées géniales et de l'humour comme « Si vous pensez que le rire est une puissance extra territoriale : tapez 9 ».
Recenser une partie des luttes environnementales consiste quelque part à avouer la puissance du capitalisme libéral depuis 50 ans. Le pot de terre contre le pot de fer (la nature contre l'argent), quelle formidable désillusion à l'image du documentaire de ce soir sur PublicSénat du scandale de l'Écotaxe. On est foutus, il n'y a pas d'autres conclusions possibles, même en lisant L'Écologiste.
Bruno